ET POURQUOI PAS AILLEURS…
*carnets de voyages

17.5.14

lecture d'ailleurs : turquie

Ça commence ainsi :  "Et si j'entamais mon récit à la manière de Sema? Il était une fois… 
Mais non, je ne peux pas. Ce n'était pas un conte, c'était la réalité.
Une sombre réalité que je ne conçois toujours pas.
Le soleil n'était pas encore couché, pourtant chacun sentait venir les ténèbres. Moi, Hasan, nous tous…"



Un roman offert à Noël par Raphaële qui savait que je partais à Istanbul quelques mois plus tard. Je l'ai mis dans ma valise et c'est là-bas que je l'ai lu.
Elif, 15 ans, et Hasan, 17 ans s'aiment. Le père de Sema est emprisonné pour ses idées politiques et la jeune fille  doit quitter Istanbul avec un oncle. Les deux amoureux seront séparés des années durant et lorsqu'ils se retrouveront Elif fera le choix de la lutte armée clandestine. Il y a aussi la jolie Sema aux "cheveux couleur miel", d'un milieu très modeste, amoureuse de Sali, un jeune menuisier qui doit pourvoir aux besoins de toute sa famille. Ils ont grandi ensemble, s'aiment tendrement mais Sema rêve aussi d'ailleurs, d'autre chose… Elle aimerait un Sali moins raisonnable et plus passionné. Les chemins de ce quatre là vont se croiser, ceux de leurs familles aussi. La mère de Sema, le père d'Elif qui retrouvera sa pharmacie, une ancienne prostituée qui veut changer de vie…
Ce roman nous promène dans le populaire et animé quartier de Yekudile, à Istanbul, du début des années 1980 à 2001. Certains aspects de ce roman sont très réalistes : la misère sociale, la dictature militaire et la manière dont ses opposants ont été brutalisés, arrêtés, assassinés. Et en même temps, on est dans le conte. Le quartier de la pharmacie du père d'Elif n'est pas loin de l'univers d'Anna Gavalda: un homme gentil et généreux, véritable Saint, qui accueille dans sa boutique les âmes en peine du quartier. On y boit du thé, on mange des pâtisseries, on discute et on se réconforte. On est dans une jolie bulle qui flotte au dessus de la vraie vie et c'est très joli. La fin du roman, est totalement dans cet esprit. J'ai été frappée aussi par l'absence de sexualité, à peine évoquée. Elif et Hasan s'aiment mais le désir physique semble inexistant. Alors qu'ils sont séparés des années durant, aucun des deux n'a jamais l'ombre d'une attirance pour quelqu'un d'autre. Idem pour Sali et Sema. L'auteur raconte deux histoires d'amour fortes, en gommant totalement la sexualité et le désir.
C'est le premier roman de Pinar Selek, née à Istanbul en 1971. Elle est sociologue, militante et féministe. En 1998 elle a été accusée à tort de terrorisme. Elle est exilée en France depuis 2011.

La maison du Bosphore, de Pinar Selek (éditions Liana Levi)

1 commentaire:

  1. je vais à istanbul le mois prochain et j'ai réservé ce roman à la médiathèque, je te dirai ce que j'en pense. Depuis un bon mois, je m'imprègne de littérature turque et que ce soit du lourd comme Orhan Pamuk ou du plus léger comme Elif Shafak, la magie, la superstition sont toujours au rendez-vous.

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